NEYMAR NE
DOIT PAS FAIRE OUBLIER LE CAC – 40 !
Par Floréal, PRCF – 3 août 2017.
Président de club de football, Ligue Rhône-Alpes, de
2008 à 2016, Laurent Nardi s’associe à ce texte
Le
pactole colossal versé par le Qatar pour « acheter » Neymar (reconnaissons que
dans le domaine du sport-spectacle, le langage esclavagiste du capital est
totalement décomplexé !) vise surtout à permettre à la pétromonarchie suspecte
de financer l’extrémisme religieux de se refaire une virginité internationale
sous le masque du plus grand club « parisien ».
N’empêche : du point de vue
socio-économique, l’ « achat » de Neymar et le « salaire » énorme qui va lui
être versé, sans compter les retombées des produits dérivés, est une vraie
gifle pour les cinq millions de chômeurs, pour les millions de précaires, pour
les « travailleurs pauvres » et pour les dix millions d’individus qui vivent en
France sous le seuil de pauvreté. Surtout quand de surcroît, le gouvernement
euro-macronien ne sait plus quoi faire pour raboter les acquis sociaux, bloquer
les salaires, détruire les services publics, diminuer les pensions et complaire
au MEDEF…
Cela dit, disons tout net que la
dénonciation médiatique unilatérale de Neymar et des très hauts revenus
pseudo-salariaux dans le domaine du sport ne saurait être notre « tasse de thé
». Quand les actionnaires du CAC-40 en arrivent à ne plus payer d’impôts en
France alors qu’ils se gavent de privatisations, de cadeaux fiscaux, de
sous-traitance esclavagiste et de délocalisations ravageuses, quand Carlos
Ghone détourne à son profit une part non négligeable de la plus-value produite
à grand peine par les ouvriers de Renault, quand les 280 000 foyers français
les plus riches se gaveront cette année (en moyenne) de 15 000 euros de cadeaux
fiscaux nouveaux offerts par Macron alors que les étudiants titulaires d’APL
verront raboter leur maigre allocation, la question centrale en France reste
bien celle du rapport capital/travail en général : en clair, celle de
l’exploitation, voire de la surexploitation capitaliste des ouvriers, des
employés, des techniciens, des cadres moyens, des ingénieurs, des petits et
moyens fonctionnaires, des chercheurs, mais aussi celle des paysans, des
artisans, des travailleurs « ubérisés », des prétendus « auto-entrepreneurs »
et de tous ceux qui mesurent encore mal à quel point leur sort réel les
rattache au monde prolétarien…
L’indigne marchandisation des sportifs,
avec toutes les dérives qui sont à l’arrière-plan sur le plan biomédical et
pharmaceutique (avons-nous déjà oublié Armstrong et croyons-nous une seconde
que le foot soit plus propre que le cyclisme ?) doit donc être comprise sous
cet angle : non pas comme un moyen de couper court à la mise en accusation de
l’aberrant et suicidaire mode de production capitaliste, mais comme un symptôme
supplémentaire de l’insulte permanente à la dignité humaine que représente à
notre époque ce système grossièrement prédateur où l’on vend de l’homme comme
on vend des gadgets ou des clés de douze !
On peut évidemment comprendre
l’attachement de millions de gens à « leur » club, qui reste parfois le seul
ancrage visible pour leur identité collective mise à mal : quand le capital
broie les hommes, les langues nationales, les pays, la mémoire des luttes, la
conscience de classe – souvent avec la complicité honteuse d’organisations qui
sont censées les promouvoir ! – faut-il s’étonner que certains concitoyens en
arrivent à ne plus se vivre en « nous » qu’à travers le « maillot » d’un club
professionnel… Alors même que ni les joueurs, ni l’entraîneur (pardon : le «
coach »), ni les capitaux ne sont du crû et qu’en conséquence, investir ledit
club d’une fonction de porte-drapeau identitaire et « local » est une pure
fiction. Qu’est-ce au final que le PSG a de « parisien », l’OL de « lyonnais »,
l’OM de « marseillais », si ce n’est – et encore ? – leurs tiroirs-caisses
respectifs ? Ainsi va l’ « identité » par gros temps néolibéral…
Mais ce n’est pas ces millions de
supporteurs, au comportement la plupart du temps très « bon enfant », qu’il
faut accabler de mépris alors que, avouons-le, bien des intellectuels qui
méprisent le foot, ont leur armoire « identitaire » pleine d’idoles
(européistes, bellicistes, anticommunistes, antimarxistes, techno-maniaques…)
qui sont souvent bien plus dangereuses pour la paix et pour la planète !
Et si on convertissait toute l’énergie
négative que les médias veulent nous faire déverser sur Neymar, en énergie
positive et revendicative pour que l’EPS, parente pauvre de la contre-réforme
du collège, dispose à nouveau de la considération et des moyens nécessaires
pour favoriser l’accès de millions de jeunes à des formations physiques et
sportives de qualité, effectuées dans un esprit d’ouverture aux autres, de
refus du chauvinisme et de lien structurant avec toutes les autres disciplines
qui forment la culture humaine « en marche » ?
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