10 octobre 2009 AGECA
Allocution de Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF, au colloque de
l’ARP sur l’actualité du CNR
Chers concitoyens, compagnons et camarades,
Les
raisons qui ont conduit le Pôle de Renaissance Communiste en France à
s’associer à l’initiative de
l’ARP aux côtés du comité Valmy, du RCR, de RRG et des Gaullistes de
Gauche sont si évidentes que mon allocution devrait ne pas vous durer
trop longtemps.
FIDELITE et CONTINUITE HISTORIQUES
Ces raisons tiennent d’abord à l’histoire. Vous n’êtes pas sans savoir que le PCF clandestin, dont le PRCF
continue le combat patriotique et internationaliste, a publié le 10 juillet 40 un appel dont le titre était : « jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple
d’esclaves ». Malgré la calomnie, qui ne devient pas vérité
pour être inlassablement répétée, le PCF, bien qu’interdit depuis 39,
bien que ses militants clandestins encourussent la
peine de mort en vertu du décret Sérol, a rapidement mis en place
l’O.S., reconnue après-guerre comme une des premiers groupes armés de la
Résistance. Malgré la répression, l’Union des Etudiants
communistes de Guy Mocquet a organisé dès le 11 novembre 40 une
manifestation patriotique à l’Etoile. Dès 40, c’est à St-Raphaël que
Roger Landini, frère de notre président Léon, faisait
dérailler un convoi en partance vers l’Allemagne. En mai 41 éclatait
la grève des mineurs du Nord qui privèrent l’Occupant de charbon
français pendant deux mois à l’initiative du communiste
Michel Brûlé et du mineur soviétique Vasil Porik. Il suffit d’aller
au Mont Valérien, à Chateaubriant, à la Citadelle d’Arras, de rappeler
l’insurrection parisienne de 44, les maquis de Corrèze,
la prise de Limoges, la libération de la Corse par les FTP, pour
confondre les diffamateurs qui amalgament les communistes, qu’animait un
idéal de fraternité, aux bourreaux nazis, porteurs d’un
projet d’asservissement universel. En voyage à Moscou en 66, De
Gaulle y prononça d’ailleurs cette phrase qu’un étudiant d’aujourd’hui a
peu de chances d’avoir jamais lue : « les
Français savent que la Russie soviétique a joué le rôle principal dans leur Libération ».
Quant
aux communistes français, ils ont inlassablement œuvré à l’élaboration
du programme du CNR, dont le
principal rédacteur, en contact permanent avec Jacques Duclos, fut
l’ingénieur communiste Pierre Villon qui reçut le mandat d’associer
scrupuleusement l’ensemble des forces patriotiques à
l’élaboration du document sous la haute supervision de Jean Moulin.
Dire
cela ne signifie en rien minimiser le rôle des autres composantes de la
Résistance et notamment du chef
de la France libre qui, alors que le Comité des forges déclarait
préférer Hitler au Front populaire, osa affronter son milieu social,
encourir la condamnation à mort de Vichy, lancer l’appel du
18 juin et, prenant appui sur l’allié soviétique, tint tête non
seulement à l’Occupant, mais aux manœuvres de certains dirigeants alliés
qui préparaient la mise sous tutelle de la France après la
défaite allemande.
En tout cas, le programme du CNR signé reste un document de portée humaine universelle,
à mettre sur
un même plan que la Déclaration des droits de 89. Associant toutes
les forces républicaines d’alors, ce programme associait toutes les
idées qui nous fédèrent aujourd’hui :
- restauration de l’indépendance nationale et refus de toute tutelle supranationale sur la
France ;
-éradication du fascisme, du racisme, et des féodalités économiques qui les avaient
financés ;
-nationalisation
des grands groupes bancaires et industriels en vue de reconstruire le
pays de manière
démocratiquement planifiée pour permettre au monde du travail de
jouir des fruits de ses efforts et de participer démocratiquement à la
conduite de l’entreprise ;
-mise en place d’une Sécurité sociale protégeant la maladie, la vieillesse, l’enfance et le chômage selon
le principe « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » ;
-instauration d’une politique étrangère de paix et de coopération internationale.
Ces
nobles idées furent mises en œuvre à la Libération par le gouvernement
d’union présidé par De Gaulle. Non
pour valoriser les ministres communistes plus que d’autres mais
parce que l’histoire officielle censure leur nom, je rappellerai ici que
la nationalisation d’EDF fut l’œuvre du communiste
Marcel Paul, rescapé d’un camp de concentration ; c’est Thorez qui mit en place le statut de la fonction publique et celui des mineurs ; c’est Croizat
qui institua
les retraites par répartition, les conventions collectives, les
comités d’entreprise et, par-dessus tout, cette Sécu qu’Obama essaie en
vain de créer chez lui. C’est le physicien
Joliot-Curie qui réforma le CNRS et qui fonda le CEA. C’est Wallon qui, aidé de Langevin, relança l’Education nationale et jeta les bases d’une école laïque de qualité pour
tous.
ACTUALITE DE LA DEFENSE DU CNR
Il
suffit de rappeler ces avancées, qui forment le socle de ce que l’UMPS
appelle dédaigneusement
« l’exception française », pour mesurer l’actualité du programme du
CNR. Ce n’est pas un dinosaure bolchevik qui l’affirme, mais le fringant
PDG Denis Kessler, numéro 2 du MEDEF, qui
expliquait en novembre 2007 dans « Challenges », que la tâche de
Sarko serait, je cite, de « démanteler le programme du CNR » en
liquidant cette exception française
triste résultat d’un rapport des forces politiques où le PCF,
auréolé par son rôle dans la Résistance, représentait 29% des Français,
où De Gaulle jouissait d’un prestige général, où la CGT de
Frachon comptait 5 millions d’adhérents et où l’Armée rouge qui,
-Kessler semble le déplorer-, avait écrasé la Wehrmacht à Stalingrad,
jouissait d’un prestige universel. Et Kessler de se réjouir
dans son texte néo-vichyste que les deux piliers du CNR, les
communistes et les gaullistes, soient affaiblis au point que les
féodalités financières puissent enfin prendre leur revanche sur l’
« annus horribilis » 1945 … Remercions Kessler de pointer ainsi,
avec son regard de classe aigu, ce qui, derrière le clinquant
présidentiel, constitue le fil brun de la
« rupture » sarkozyste. Poussant à son terme la logique
antinationale, anti-ouvrière et anti-laïque, qui est au cœur de
l’intégration européenne, -qu’on devrait plutôt nommer la «
désintégration européenne de la France », Sarko démolit les acquis
de 45 avec l’aide de ses mentors Barroso et Parisot, de ses sous-fifres
Rocard, Kouchner et Cie, et sous le haut-parrainage
de ces grands « opposants » que sont Pascal Lamy, directeur de l’OMC
et DSK, président « socialiste » du FMI. Le tiercé de tête de ce
nouveau PMU, entendez par
là le Parti Maastrichtien Unique, veut en effet :
-démonter la Sécu à force de déremboursement de soins, pour faire le lit des assurances privées et
priver les salariés de France de leur salaire indirect, social et différé ;
-démolir les retraites par répartition
au profit de la capitalisation car lorsqu’il faudra cotiser 45
ans en ayant son premier CDI à 25 ans, quel jeune acceptera encore
de cotiser ? Le prétendu problème de l’allongement de la vie sera réglé
quand la majorité des gens se tuera au travail à la
japonaise, ou se jettera par la fenêtre pour obéir au mot d’ordre du
PDG de France-Télécom, « it’s time to move »…
-parachever la destruction du secteur public industriel et de service engagée par Rocard, prolongée
par Balladur, accélérée par Jospin et couronnée par Lagarde ;
-régionaliser totalement l’Education nationale, en lui coupant les vivres au profit du
privé ;
-privatiser le fonctionnement de l’université et de la recherche sur le modèle
anglo-saxon ;
-liquider le statut des fonctionnaires en les livrant à l’arbitraire des féodalités
locales :
-vider de leur substance le droit du travail et le droit de grève ;
-réintroduire une chasse aux faciès indigne de notre pays ;
le PRCF n’est pas partisan
ultra-libéral de la soi-disant « libre circulation des hommes et des
idées » ; il se prononce pour une coopération internationale permettant
le co-développement des nations ;
mais quelle pitié de voir ces gosses qu’on arrête à l’école comme
j’en ai été témoin à Lens, pour forcer leurs parents à se laisser
expulser sans résistance au petit matin sans même pouvoir
emporter leur maigres biens ! Ce n’est pas cela la France et ce
n’est pas mon camarade Landini, ancien FTP-M.O.I., dont les parents, qui
avaient fui Mussolini et ont risqué mille fois
leur peau pour la France, qui me démentira. Si vous trouvez mes
propos outrés, souvenez-vous qu’Hortefeux a organisé une véritable
provocation il y a peu en réunissant à VICHY tous les ministres
de l’immigration de l’UE et qu’AUCUN de ses homologues n’a
protesté !
-dans la foulée, ce gouvernement démolit l’indépendance nationale:
arasement de la politique
d’indépendance diplomatique et militaire en cours à l’époque où De
Gaulle présidait la République et où le PCF soulignait les aspects
positifs de sa politique extérieure ; adoption du Traité
de Lisbonne en violation du Non de mai 2009, retour de la France
dans l’OTAN alors que le complexe militaro-industriel US, malgré la
bonne volonté dont certains créditent Obama, reste une
puissance hégémonique belliqueuse, démontage des régiments français
chargés de garder les frontières, tout cela dans la foulée du déni du
principe républicain de conscription, mise en place d’une
Union transatlantique qui ridiculise le baratin sur l’Europe comme
barrage à l’hégémonie US ;
-et
au-delà, ce régime sonne le glas d’acquis civilisateurs antérieurs à
45 : on rétablit le travail du
dimanche, interdit en 1905 ; on préfère à la loi laïque de 1905 le
communautarisme à l’anglo-saxonne ; on piétine l’Ordonnance de
Villers-Côtterets de 1539 qui fit du français la langue
officielle du pays au profit du « tout-anglais » qui régit la
communication des entreprises du CAC 40 ; on n’est plus très loin du
« coup de grâce » contre ce qui reste
de la France puisque le rapport Balladur-Vallini prévoit la mise en
place d’euro-régions effaçant les départements et les frontières
nationales, et d’agglomérations réduisant les communes à un
rôle folklorique. Quant au socialiste francilien Jean-Paul Huchon,
son récent livre propose carrément de DISSOUDRE la France pour que
l’euro-région francilienne, redevenant un domaine royal,
dépende directement de Bruxelles. Bref, le film de la
construction nationale réalisé d’Hugues Capet à Robespierre en passant
par Jeanne d’Arc, se déroule désormais à l’envers… et en
accéléré !
RESISTANCE ET ALTERNATIVE
Dépecé vivant, le peuple français n’a pas
le choix. Soit il entre en résistance, soit il disparaît comme
peuple et les habitants de la plate-forme touristico-financière
« France » plongeront alors dans une servitude d’autant
plus insupportable qu’il sera devenu impossible de nationaliser les
résistances populaires. Mais trêve de pessimisme : en 2005 notre peuple a
su dire non à la constitution supranationale
malgré le totalitarisme médiatique du Yes !. Comme dans les
années noires, la France d’en bas, et au premier chef la classe
ouvrière et les jeunes qui ont voté non à 70%,
résiste à la casse. Les artisans, les petits paysans, les employés,
les agents de la fonction publique ont également dit non. En 2006 la
jeunesse a sauvé de justesse le droit du
travail. Sarko a triomphé en 2007 en mentant puisqu’il s’est réclamé
de Jaurès, de De Gaulle et de Guy Moquet face à une candidate qui
prenait des airs royalement extatiques pour promettre,
ô vision exaltante, les « Etats-Unis d’Europe ».
Quant
aux euro-trotskistes et aux héritiers de l’eurocommunisme, ils ont
gaspillé le Non du 29 mai en
réclamant sottement une autre constitution supranationale et en
promouvant le mensonge de « l’Europe sociale ». Comme si cette
construction, conçue de A à Z pour le capital
transnational avait encore quoi que ce soit à faire des nations et
du social ! Mais de plus en plus de gens constatent que ce système fou,
uniquement fondé sur le profit maximal, mène
l’humanité dans le mur en comprimant les salaires, en gonflant les
dividendes et en créant une crise de surproduction quasi-permanente !
Pour nous communistes, le chemin est clair : rompant avec l’incurable socialo-dépendance du PCF, il faut
construire un Front de résistance et d’alternative populaire, patriotique et de progrès.
Au centre, comme y appelait le CNR, nous mettrons le monde du travail,
aujourd’hui traité
en « variable structurelle ». C’est pourquoi nous soutenons les
luttes ouvrières, enseignantes, étudiantes, paysannes, civiques, etc.
que portent des syndicalistes de lutte et que
trahissent des états-majors syndicaux euro-formatés. Mais autour de
la classe ouvrière, qui inclut désormais les techniciens, nombre
d’employés et d’ingénieurs, ont intérêt à l’alternative
politique nombre d’entrepreneurs petits et moyens que strangule le
libre-échange mondial taillé pour les trusts. L’objectif est de reconstruire la France, aujourd’hui en voie de
décomposition, de retisser son économie productive, industrie, agriculture, recherche,
son école laïque, ses services publics, sa culture originale, son
indépendance politique et
militaire, d’impulser la démocratie la plus large dans le cadre
d’une République sociale, laïque, souveraine, et fraternelle.
Pour cela, il faudra s’affranchir, et de notre point de vue, SORTIR, de ce broyeur qu’est l’UE du
capital et de son bras armé l’OTAN, car toute mesure de
progrès serait aussitôt interdite par Bruxelles. Sortir du broyeur
euro-atlantique est si peu un « risque » que c’est au
contraire en y restant que la France, si j’ose dire, « y restera ».
Si la France rompt avec l’euro-broyeur sur les bases de principe posées
par le CNR, en associant souveraineté
nationale, progrès social, nationalisation du crédit et des secteurs
stratégiques de l’industrie, démocratisation de la presse et des
médias, politique internationale excluant tout
néo-colonialisme et refondant le rayonnement français sur le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes, alors l’oligarchie financière aura
envers le nouveau pouvoir l’attitude qu’ont, pour saboter
Zelaya ou Chavez les oligarques honduriens ou vénézuéliens. En
revanche, toute la France qui crée et produit sera mobilisée comme le
fut notre peuple en 45. A l’étranger, des millions de
progressistes et de patriotes regarderont à nouveau la France comme
leur seconde patrie. Non seulement la France nouvelle ne s’isolera pas,
mais s’émancipant de l’étouffoir transatlantique, elle
tendra la main aux pays émergents et construira de nouveaux traités internationaux respectueux des nations et du progrès social.
C’est de tels traités que, dans des formes propres à l’Amérique latine, construisent contre l’Empire
états-unien les membres de l’ALBA, Venezuela, Cuba, Bolivie, Equateur, etc.. Nous communistes pensons que la question du socialisme au 21ème siècle, en entendant par là la
souveraineté du peuple triomphant de la tyrannie du profit, sera alors posée par la vie.
D’autres ici pensert, et nous les respectons, qu’il faudra en rester à
un capitalisme d’économie
mixte : le peuple tranchera le moment venu, étant entendu qu’il nous
faut éviter les querelles de mots ; en effet, nous voulons des
nationalisations démocratiques
associant largement usagers et salariés, et notre vœu n’est pas
d’étatiser les PME mais de favoriser les libres coopérations. Et à
l’inverse, nos amis gaullistes de gauche soulignent que la
« participation » qu’ils envisagent n’est pas l’illusoire
réconciliation du Baron Seillère avec Xavier Mathieu, mais une dynamique
de démocratisation par en bas de l’économie.
Discutons-en sans préjugé et engageons-nous tous à faire de
l’intérêt national et de la volonté du peuple l’unique critère de notre
alliance.
Mais nous n’en sommes pas là, hélas. La question actuelle est de savoir si la France survivra et si la
classe travailleuse sera ou non sous-prolétarisée. De notre
point cela implique d’unir le drapeau rouge des ouvriers au drapeau
tricolore de Valmy. Cela signifie la renaissance d’un
parti communiste de plein exercice et d’un syndicalisme de lutte
permettant au Travail de reprendre l’offensive. Cela signifie aussi le rassemblement de ceux que j’appellerai les
« vrais » : vrais communistes, vrais gaullistes, vrais républicains, vrais patriotes, vrais syndicalistes et vrais socialistes
préférant Jaurès à la
« rosenklatura ». Voilà pourquoi, à l’aise dans l’ARP, nous espérons
que ce colloque servira de tremplin à la large diffusion en commun d’un
écrit permettant d’unir, comme hier, ceux
qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas, mais qui « tous
croyaient en la Belle / Prisonnière des soldats ».
Alors le 10 octobre 2009, si modestes qu’en soit les germes, restera dans nos cœurs comme un moment
fondateur.
Je vous remercie de votre attention.
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